Textes d'Eric Corne / Eric Corne's texts
Le Réalisme à distance Un siècle de Réalismes dans la peinture en France
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C’est le monde qui vient se faire peindre chez moi

Courbet1

M. Delacroix fait des anges. Je ne vois pas ce que c’est que des anges. Vous ? Moi je n’en ai jamais vu. Comment voulez-vous que je juge une forme qui représente un être imaginaire ? Ses ailes le rendent ridicule et difforme. Qu’on fasse des hommes, qu’on les fasse bien, là est le difficile.

Courbet 2

Il y a des portraits dont on a dit spirituellement qu’ils sont ressemblants à vous en donner la nausée.

Hegel 3

On n’y voit rien, écrivait Daniel Arasse dans un de ses ultimes livres, lui le grand historien d’art qui avait sa vie durant regardé la peinture et recherché ses secrets. Ce rien du visible occupe les peintres depuis la première image, le premier report d’un élément du réel sur une roche d’une caverne, un mur ou une toile. Rien car le visible nous trompe toujours voire aveugle toute objectivité que tente l’artiste. La peinture est une histoire d’œil qui s’ouvre et se ferme : l’un perçoit, l’autre efface. Ni visible, ni pressenti, il y a là un secret, une aberration jamais stupéfiante où la distance est toujours de mise, celle physique du peintre — entre ce qu’il perçoit, conçoit et voit — et celle du regardeur, où le vu se mêle à l’invu. Pour le peintre, il n’y a aucun moyen d’accommoder ni de réguler les distances face aux choses, il n’existe aucune échappée à l’interprétation et à la sensation. Éprouver la sensation, c’est prendre pour mieux se déprendre de toute intrusion dans le réel, rassembler les membres éparpillés de la peinture pour les détacher, construire pour déconstruire, montrer pour effacer, produire pour ne pas féconder. Le Réalisme en peinture est donc sujet à toutes les ambiguïtés, c’est dans le hiatus de la nature des choses à la nature du visible que se fait la peinture. Cette exposition commence par la déclaration de Gustave Courbet sur le Réalisme afin de réaliser un art vivant. Mais son Réalisme est aussi à rechercher plus en amont, notamment dans la vision qui peu à peu s’est imposée au cours du XVIIIe siècle en ce qui concerne le rapport de l’homme au monde et le type de connaissance qu’il peut en avoir. Courbet n’invente pas le Réalisme, pensons à Vélasquez, aux peintres flamands par exemple, qui eux aussi ont peint la littéralité, la vraisemblance des figures, des paysages. Il veut délier le réel de toute métaphore, allégorie et idéalisme. Pour lui, un enterrement est un enterrement précis, une femme est une femme précise. Le Réalisme qu’il ne faut pas confondre avec le Naturalisme, cherche une ressemblance avec le réel, une coïncidence entre une pensée sociale et une immersion physique au monde. Ainsi dans la tradition picturale, il a à voir avant tout avec la représentation de figures humaines, de scènes qui ne se limitent pas naturellement à la simple quotidienneté. Mais cette notion de Réalisme en peinture (ainsi qu’en littérature) est toujours en constante réinterprétation selon les époques, elle n’a aucune permanence de style, ni de pensée. Qu’ont à voir les peintures de Courbet, l’ami de Proudhon, l’homme de la Commune, et le Réalisme des années 1930-1940 de Maurice de Vlaminck qui fera le voyage à Berlin sous le régime hitlérien ?

Les Impressionnistes s’approchent du motif par la peinture en plein air, c’est l’immatériel de la lumière qui devient leur sujet. La couleur synthétise et fait l’élision du réel. Le réalisme de Léger quant à lui se libère de toute valeur imitative, pour lui le réalisme se résume en lignes, formes et couleurs. Les mouvements tels le Surréalisme, le Nouveau Réalisme et l’Hyperréalisme ne sont pas si éloignés, ils déréalisent le rapport à l’objet, et éprouvent la distance des choses à celles des images. Dans les années 1930 à 1950, en Amérique et au Brésil, le Réalisme est aussi émancipation de la suprématie européenne, les peintures réalistes et modernistes décrivent un territoire qui devient universel.

Courbet et le réalisme du XIX° siècle en peinture.

Toutes nos connaissances directes se réduisent à celles que nous recevons par les sens; d’où il s’en suit que c’est à nos sensations que nous devons  toutes nos idées.

D’Alembert.4

Au XVIII° siècle D’Alembert, Diderot et Voltaire avec leurs scepticismes mettent en doute une possible perception objective du réel. La nature des choses ne peut être résumée à l’imitation qu’en ferait le peintre. La part sensible de toute chose en bouleverse la connaissance ou même la compréhension. Hume puis Hegel du XVIII° au XIX° siècle discuteront du lien du réalisme avec l’empirisme et l’idéalisme, ainsi David Hume, philosophe Ecossais posera les fondements de la phénoménologie avec l’impossible objectivité que nous avons des choses car nous les percevons avec notre imaginaire et par les sensations non quantifiables : seule l’imagination est créatrice.

L’opinion la plus courante, qu’on se fait de la fin que se propose l’art, c’est qu’elle consiste à imiter la nature … Dans cette perspective, l’imitation, c’est-à-dire l’habilité à reproduire avec une parfaite fidélité les objets naturels, tels qu’ils s’offrent à nous, constituerait le but essentiel de l’art, et quand cette reproduction fidèle serait bien réussie, elle nous donnerait une complète satisfaction. Cette définition n’assigne à l’art que le but formel de refaire à son tour, aussi bien que ses moyens le lui permettent, ce qui existe déjà dans le monde extérieur, et de le reproduire tel quel. Mais on peut remarquer tout de suite que cette reproduction est du travail superflu, car ce que nous voyons représenté et reproduit sur des tableaux, à la scène ou ailleurs : animaux, paysages, situations humaines, nous le trouvons déjà dans nos jardins, dans notre maison ou parfois dans ce que nous tenons du cercle plus ou moins étroit de nos amis et connaissances. En outre, ce travail superflu peut passer pour un jeu présomptueux, qui reste bien en deçà de la nature. Car l’art est limité dans ses moyens d’expression et ne peut produire que des illusions partielles, qui ne trompent qu’un seul sens ; en fait, quand l’art s’en tient au but formel de la stricte imitation, il ne nous donne, à la place du réel et du vivant, que la caricature de la vie…5

 De tout temps, cette distance du peintre au sujet hante et détermine la peinture, regardons le magnifique exemple de Vélasquez avec Le Marchand d’eau de Séville ou Vieille femme cuisant des œufs. Par ces peintures, Vélasquez déclare le Réalisme. Il faut aussi considérer les peintres Flamands comme les véritables initiateurs de cette esthétique qui introduit dans le champ de l’art, la vie quotidienne et ses réalités triviales, des Mendiants de Bruegel à La Dentellière ou La Laitière de Vermeer. Leurs peintures à travers cette apparence de réalité, voire de trivialité, sont des métaphores de l’humilité poussée jusqu’à sa transcendance. En France, on doit citer bien sûr pour le XVIIe Siècle, les frères le Nain et Georges de La Tour. Ils associent sujet religieux et scènes du quotidien des paysans et artisans de l’époque, dans un monde troublé par les famines et les guerres. Au XVIIIe siècle, Siméon Chardin a le mieux intégré les leçons du maître de Delft, La Raie Ouverte, œuvre peinte pour son entrée à l’académie est tout un programme iconique sur le Réalisme et ses sujets.

Champfleury, l’ami de Courbet et le critique d’art, cofondateur de la revue Le Réalisme, était très précis sur cette permanence du Réalisme en peinture : Qui n’a pas l’intelligence de Vélasquez ne saurait comprendre Courbet. Si les Parisiens connaissaient davantage les œuvres de Vélasquez, ils se seraient sans doute moins fâchés contre l’Enterrement à Ornans.6 Ce tableau est aux dimensions d’une peinture d’histoire, mais le sujet est pour le goût de l’époque irrecevable et d’une affligeante trivialité. Des portraits d’hommes ordinaires : les habitants d’Ornans partageant le deuil d’un mort anonyme, une mort sans héroïsme romantique.

Courbet veut faire de l’art « vivant » en s’immergeant dans la quotidienneté du monde et de ses perceptions. La nature perçue dans le paysage mais aussi par le corps, avec le nu sont les premiers réels donnés. La peinture d’histoire, voire mythologique se réincarne sous les traits du modèle. La femme prévaut sur Vénus.

Le titre de réaliste m’a été imposé comme on a imposé aux hommes de 1830 le titre de romantiques. Les titres en aucun temps n’ont donné une idée juste de choses : s’il en était autrement les oeuvres seraient superflues. […] J’ai étudié, en dehors de tout esprit de système et sans parti pris, l’art des Anciens et des Modernes. Je n’ai pas plus voulu imiter les uns que copier les autres : ma pensée n’a pas été davantage d’arriver au but oiseux de “l’art pour l’art”. Non! J’ai voulu tout simplement puiser dans l’entière connaissance de la tradition le sentiment raisonné et indépendant de ma propre individualité. Savoir pour pouvoir, telle fut ma pensée. Etre à même de traduire les moeurs, les idées, l’aspect de mon époque, selon mon appréciation, être non seulement un peintre, mais un homme, en un mot faire de l’art vivant, tel est mon but.

(Gustave Courbet, avant-propos de la brochure accompagnant son exposition personnel du pavillon du Réalisme en marge de l’Exposition universelle de 1855.)

L’esthétique réaliste dans ses foisonnements de style définit le XIXe siècle artistique que ce soit dans la littérature ou la peinture. En France, l’école du XIXe siècle qui porte le nom de Réalisme (en réaction contre le romantisme et le néo-classicisme, et dans la lignée des paysagistes anglais) s’est délibérément attachée à l’observation directe de la nature, par la peinture en plein air et les études sur le motif. Elle s’est posée en réaction à toute idéalisation, ce sont les réalités du Monde que ces artistes veulent saisir sans les magnifier. Pour Michael Fried, le XIXe siècle s’est trouvé devant l’incapacité croissante d’engendrer la conviction que le spectateur n’existe pas. C’est l’immersion du regardeur (l’artiste en premier lieu, mais aussi le simple voyeur-spectateur) dans le tableau même qui va aussi fixer les Réalismes et ses limites.

Toute l’histoire du Réalisme du XIXe siècle est une rupture à la (ou les) tradition(s), et plus généralement à la peinture d’histoire ou religieuse. Le réalisme est toujours un recentrement sur l’ici et le maintenant, un pragmatisme. La rupture ne vient d’ailleurs pas de la facture – ainsi Courbet était un fervent visiteur du Louvre et s’astreignait à la copie – mais du sujet : ce qui est remis en question c’est l’idéalisme même de l’objet. Si l’art a pour mission d’être vrai au sens « idéaliste », c’est-à-dire s’il doit entrer dans une sorte de concurrence avec la connaissance rationnelle, son but doit consister nécessairement alors, au prix d’une renonciation à l’individualité et à l’originalité, où nous voyons habituellement l’éminente marque distinctive des productions de l’art, à ramener le monde visible aux Formes qui ne changent jamais et qui sont universellement et éternellement valables7.

La recherche d’un art vivant pour Courbet, c’est aussi rendre l’identité du sujet, son individualité. Ses nus sont ceux de modèles rencontrés qui se sont déshabillés devant le peintre, la présence des habits dans ses peintures accentue ainsi ce sentiment de réalisme ; indirectement par ce vérisme, le regardeur participe à cette scène. Il rompt alors avec le bon goût de la représentation du nu féminin et de la beauté immaculée. Ce que retient Courbet c’est la sensualité qui ne peut s’exprimer que par la juste incarnation d’une femme vraie. Les paysages, sont ceux d’un territoire précis (celui de la Franche Comté et des gorges de la Loue, plages de Normandie ou paysage du Sud). Ce n’est donc pas l’Idée du paysage que peint Courbet mais un lieu-dit précis, même s’il tente de lui insuffler dans l’accidenté et le pittoresque, l’intemporalité et le sentiment d’éternité, et en cela il a gardé la vision idéale romantique. Dans La Vague, ou La Source, Paysages et nus sont en miroir l’un de l’autre comme mais le corps dans son intimité se perçoit en muraille dans les nombreuses versions de La Grotte Sarrazine. L’ouverture, précipice vers l’inconnu d’une source qui surgit, est bien sûr à mettre en relation avec la peinture emblématique de son réalisme, l’Origine du Monde. De là découle la provocation de ce tableau. Il est l’expérience de la nudité, de ses réalismes perçus comme source de vie et du regard.

La peinture de Courbet est un catalogue de la vie domestique (les champs, la vie villageoise, l’enterrement, la chasse etc.) mais aussi des passions humaines comme ne témoignent La Femme nue au chien ou Le Sommeil, dit aussi Les Deux Amies et Paresse et Luxure. Le monde entre dans l’atelier du peintre. Son œuvre, et plus généralement celles de tous les réalistes, récusent la grandeur abstraite de la nature que Kant admirait, la comparant à la loi morale, ou l’expression du beau absolu, de l’infini isolant des choses humaines, comme le clamait Nietzsche à Sils Maria : Six mille pieds au-dessus de la mer et beaucoup plus au-dessus de toutes choses humaines 8. Il n’y a pas de neutralité en art, tout réaliste interprète son sujet. Il est toujours un illusionniste qui sur le plan du tableau, tente d’insuffler de la vie en liant son expérience et sa compréhension sensible au panorama du monde. Chez Courbet, il n’y a jamais la tentation rousseauiste d’un retour à la nature. Ce n’est pas la réalité vertueuse des belles campagnes françaises que veut rendre le peintre, c’est dans l’humilité de ses sujets, la dignité voire l’héroïsme des personnages peints, qu’ils soient paysans, villageois ou chasseurs, et en cela il contrarie les hiérarchies sociales du XIXe siècle.

Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même [….] J’en conclus que les Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des Illusionnistes. Quel enfantillage, d’ailleurs, de croire à la réalité puisque nous portons chacun la nôtre dans notre pensée et dans nos organes. Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût différents créent autant de vérités qu’il y a d’hommes sur la terre.9

L’illusionnisme réaliste de Gustave Courbet est égal à celui de Rosa Bonheur mais leur propos est diamétralement différent. Le sujet n’est pas un critère pour contenir la notion de réalisme. Ainsi Un Enterrement à Ornans ou Les paysans de Flagey revenant de la foire, sont deux observations simples d’une scène villageoise, Courbet s’en saisit comme d’un paysage ou d’un nu. Il veut dévorer la nature, l’appréhender dans sa totalité. Rosa Bonheur, Léon Lhermitte ou Jules Breton, ces réalistes du milieu rural, vont peu à peu l’idéaliser et ignorer la situation politique et sociale du monde paysan du XIXe pour lequel L’Angélus de Millet est devenu l’icône. En revanche, Jules Bastien Lepage ou le peintre d’origine portugaise, José Julio de Sousa Pinto, n’oublieront jamais le contexte social et feront une synthèse entre Courbet et Millet.

D’autres artistes ont besoin de s’immerger dans la nature. Théodore Rousseau s’installe définitivement en 1846 à Barbizon près de la forêt de Fontainebleau. Les peintres qui vont le rejoindre formeront ensemble l’Ecole de Barbizon. Ils peignent sur le réel, tentent dans un même élan de saisir la terre avec ses arbres, ses lumières et ses ombres. Les hollandais peignaient le ciel, les romantiques la puissance et les forces de la nature. Les naturalistes français vont peindre la terre.

Les Impressionnistes.

Pour les Impressionnistes Manet, Cézanne, Degas, Van Gogh, Manet, Monet, Renoir…, le sujet s’unit à l’intuition et à la perception intime qu’en a le peintre, mais là aussi ce groupe n’est pas uniforme : leurs pratiques de la peinture sont à la croisée d’expériences complexes et particulières sur les approches du réel. Degas fait une peinture d’atelier et utilise des documents photographiques, il privilégie le dessin, alors que Monet, Van Gogh, Sisley, Pissarro sortent de l’atelier et font l’expérience de l’incandescence de la couleur afin de retenir la lumière et son immatérialité. L’œuvre de Monet a été marquée par des réflexions approfondies sur les questions fondamentales de la perception et de la représentation de la nature. La quête du “momentané” aura été déterminante au même titre que le rendu atmosphérique des objets dans leur lumière respective. La simultanéité du réel et du reflet dans ses tableaux de nymphéas ainsi que ses paysages sans horizon ni perspective ont rompu avec la représentation spatiale traditionnelle et conduit à une nouvelle perception de l’espace et de l’objet. La peinture devient un écran de projection où s’unissent le réel et le virtuel du reflet, sans hiérarchie de valeur. La figuration des nymphéas préfigure l’immatériel, voire l’abstraction. En faisant l’expérience du paysage peint en plein air, il découvrait ses métamorphoses par les saisons, ses lumières changeantes de l’hiver ou de l’été, de l’humidité ou de la sécheresse du petit matin ou du crépuscule, la découverte d’un bleu particulier pour le ciel ou d’un gris pour les nuages.

Et comme l’Impressionniste disposait des ressources procurées par l’emploi des tons clairs, débarrassés d’ombres, il put appliquer sur ses toiles ces couleurs éclatantes, qui correspondaient aux effets variés que les scènes naturelles lui offraient. On vit ainsi apparaître, dans les tableaux des Impressionnistes, les plaques de lumière que le soleil, passant à travers le feuillage, étend sur le sol; on vit reproduire les verts tendres et aigus qui couvrent la terre au printemps, les champs brûlés en été par le soleil prirent des tons roussis, l’eau n’eut plus de couleur propre, mais les reçut toutes en succession. Puis les Impressionnistes ayant découvert que les ombres, selon les effets de lumière, sont en plein air diversement colorées, peignirent sans hésiter des ombres bleues, violettes, lilas. 10

Ce rapport de la couleur à la lumière annonce le Fauvisme à l’orée du XXe siècle. Pour Van Gogh la couleur énonce aussi les états d’âme, ainsi il écrit dans une lettre à Théo : Je voudrais peindre des hommes ou des femmes avec ce je ne sais quoi d’éternel qui était autrefois symbolisé par l’auréole et que nous cherchons à rendre par le rayonnement et les vibrations de nos couleurs11. Le Réalisme chez lui est toujours lié à l’autobiographie, réalisme psychologique mais qui tend à retenir toutes les intensités et les expressions passionnées de la vie humaine, en cela il préfigure l’expressionnisme existentialiste. Je voudrais faire des portraits qui, un siècle plus tard, aux gens d’alors, apparaissent comme des apparitions. Donc je ne cherche pas à faire cela par la ressemblance photographique, mais par nos expressions passionnées. 12

Ainsi, paradoxalement, ce regard direct immergé dans la nature va amener les peintres à saisir la fugacité du réel et à le schématiser, voire l’improviser. Affronter le réel, c’est en peinture pour Corot, Courbet ou les impressionnistes, comme l’avait bien pressenti Baudelaire, être synthétique et abréviateur.13 Les impressionnistes désacralisent leur sujet, là où Courbet saisissait dans le réalisme de ses figures l’aura de ses personnages, Manet par exemple dans ce tableau initiatique qu’est son Olympia, remplace la Déesse par la fille, l’Immortalité par le cadavre, la représentation par l’image et cela dans l’hésitation et le bégaiement fructueux du tribut au réel et à l’histoire de la peinture. Manet annonce l’autonomie de la peinture face au sujet. Dans la mesure ou [Manet] en a supprimé (pulvérisé) le sens – que cette femme [l’Olympia] est là, dans son exactitude provocante, elle n’est rien ; sa nudité (s’accordant il est vrai à celle de son corps) est le silence qui s’en dégage comme celui d’un navire vide : ce qu’elle est, est l’ «  horreur sacré de sa présence ».14 Par Manet la peinture moderne, s’affranchit du langage et du discours. La peinture moderne c’est le silence (Georges Bataille). 15

Cézanne quant à lui, travaille non plus le sujet mais la peinture, c’est elle qui se montre dans l’indépendance des formes. L’objet représenté perd ainsi de sa valeur d’usage, une pomme ou une baigneuse ont le même traitement. Le travail indicible, héroïque et désespéré de Cézanne : d’imposer vraiment l’égale importance de chaque parcelle du tableau par une indifférence objective des choses représentées (Rilke).16

Mais la peinture du XIXe siècle, peut-être en réaction à son héritage culturel occidental, est influencée par d’autres cultures : celle du primitivisme, polynésien pour Gauguin ou par les estampes japonaises pour l’ensemble des impressionnistes. Vivement colorées, elles traduisent d’autres lois de la composition, de la transcription de l’espace en peinture et de la mise en page sur lesquelles était fondé l’art académique européen. Ce que bouleverse l’art japonais, c’est sa radicale simplification des plans, son économie de signes et ses lignes épurées. Bonnard et Matisse seront les peintres au XXe siècle qui synthétiseront le plus clairement ces influences de l’Impressionnisme, celle de la fusion de la couleur et de la lumière, l’élision du réel au profit du tableau et de sa structure. La couleur consume le réel.

L’invention de la photographie renouvela, elle aussi, les concepts artistiques. Il était désormais possible de réaliser au moyen d’un dispositif mécanique ce que la peinture s’efforçait auparavant de composer sur la toile. La photographie libère les peintres de l’exigeante fidélité au modèle. Elle leur permet d’inventer de nouvelles manières de représenter le monde. Mais l’usage du document photographique permet aussi aux artistes d’emmener la réalité du monde dans l’atelier, qu’il soit celui de Delacroix, de Courbet, de Manet ou de Degas.

Fantin Latour, particulièrement dans ses portraits de groupe, fait un témoignage de l’histoire culturelle, littéraire et picturale de son époque et de la société bourgeoise du XIXe siècle. Grand peintre de nature morte, c’est le contenu émotionnel auquel il s’attache : On peint les gens comme des pots de fleurs…. Heureux encore si l’on dessine l’extérieur tel qu’il est, mais l’intérieur ? L’âme est une musique qui se joue derrière le rideau de chair, on ne peut pas la peindre, mais on peut la faire entendre (Fantin Latour).17

Certains peintres comme le Lillois Carolus Duran chercheront une synthèse entre l’Académisme, le Réalisme de Courbet et la peinture moderne de Manet. Il sera avec Tissot, Bonnat, le peintre du tout Paris de l’époque. Les peintres académiques (Cabanel, Gérôme, Bouguereau, Baudry) ignoreront les leçons de Courbet et de Manet, leur sujet en peinture dans de grandes compositions alternera entre les scènes mythologiques et orientalistes, ils se pensent en héritiers de Ingres et de Delacroix.

Mais ces deux peintres sont à la croisée de tous les mouvements, ils seront souvent considérés comme les précurseurs du Réalisme en peinture, en particulier par Baudelaire. Ce dernier rapprochant Ingres de Courbet, a souligné plus d’une fois son Naturalisme, la réalité matérielle de ses objets, de même que la vérité psychologique de ses portraits. On ne saurait oublier les peintres académiques (mentionnés plus haut) ou les symbolistes, mais aussi Degas, Renoir et surtout Cézanne, Matisse, Derain et Picasso et plus récemment les artistes du Pop Art qui ont été marqués par leur admiration pour Ingres et Delacroix. J’ai dit que jusqu’ici il y a eu trois grands talents dans l’école française du XIXe siècle : Eugène Delacroix, Ingres et Courbet, et que ce dernier était aussi grand que les deux premiers. Les trois ensemble ont révolutionné notre art : Ingres accoupla la formule moderne à l’ancienne tradition ; Delacroix symbolisa la débauche des passions, la névrose romantique de 1830 ; Courbet exprima l’aspiration au vrai – c’est l’artiste acharné au travail, asseyant sur une base solide la nouvelle formule de l’école naturaliste. Nous n’avons pas de peintre plus honnête, plus sain, plus Français. Il a fait sienne la large brosse des artistes de la Renaissance, et s’en est servi uniquement pour dépeindre notre société contemporaine.18

Symbolisme et idéalisme en peinture.

Le Symbolisme se pose avant tout comme un idéalisme. Les codes de compréhension des œuvres sont bouleversés par l’emploi de symbole ou d’une iconographie mêlant celle du Moyen Âge à celle du Romantisme et s’opposent ainsi au Réalisme ou à l’Impressionnisme. Mais l’Idéalisme symbolique dans sa diversité se perçoit aussi dans des mouvements aux contours lâches comme le post Impressionnisme, l’école de Pont-Aven ou les Nabis, dont les œuvres témoignent aussi parfois d’un sentiment religieux comme pour Maurice Denis ou Emile Bernard. Le véritable symbolisme, don de l’instinct poétique, part d’une conception, et entoure ce noyau centrique de toute la chair humaine, le nourrissant des éléments capables d’atteindre l’âme et d’éveiller la pensée. Il poursuit le lyrisme intérieur, transforme les données naturelles, afin de les élever au point le plus haut de la Contemplation et du Rêve. Il eu fait le tambour de résonance frappant les sens et, par eux, ce qu’il y a de plus profond en nous. Le souffle intérieur pousse ses manifestations jusque dans le monde matériel et propose la puissance émotive. La volonté s’ensevelit sous l’enthousiasme, et l’étincelle illuminatrice féconde les formes et lie l’ensemble. Le surnaturel devient ainsi le Vrai, le Parfait, le Réel. Il n’y a de symbolisme plastique qu’à ce prix et c’est celui des plus grands. Le Beau est le visage de Dieu.19

L’éclosion du Symbolisme est préfigurée par les Anglais Burne et Jones et certains peintres romantiques, de Füssli à Friedrich, et son rayonnement se manifeste encore au début du XXe siècle dans l’œuvre de Gustav Klimt. Plus tard, à travers la méditation de l’école métaphysique italienne (1910-1920), le symbolisme sous-tendra certains tableaux surréalistes de Max Ernst. Il bannit toute description objective et cherche des équivalents poétiques de la nature et de la pensée. Le mouvement symboliste utilise des symboles perceptibles dans la poésie romantique allemande. Selon elle, tout est symbole aux yeux du poète pour qui la nature est un vaste texte à déchiffrer. Au coeur de la perception symboliste du monde, il y a l’idée que notre univers est la somme des représentations que nous en avons, des signes et des symboles que nous y découvrons et savons y déchiffrer. Tout comme le symbolisme littéraire, le symbolisme pictural est en opposition avec le réalisme pictural et le naturalisme littéraire.

Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) par sa peinture dépouillée et sans artifice synthétise l’Idéalisme en peinture. À l’emphase croissante de l’Académisme pendant la fin du XIXe siècle, il préféra les thèmes allégoriques, un style néoclassique, une technique en aplats sans ombre ni relief et une palette douce. Puvis de Chavanne dans la pureté de ses tons, la simplification de ses plans, retourne à l’origine de la peinture et s’inspire des fresques romaines ou de celles des primitifs italiens. Les symbolistes, tel Gustave Moreau qui eut pour élève Henri Matisse et Georges Rouault, unifient idéalisme néo classicisme et vision idéale de la nature mythologique. Etre moderne ne consiste pas à chercher quelque chose en dehors de tout ce qui a été fait. Il s’agit au contraire de coordonner tout ce que les ages précédents nous ont apportés, pour faire voir comment notre siècle a accepté cet héritage et comment il en use  (Gustave Moreau).

Henri Rousseau est le peintre de la condensation de beaucoup de ces préoccupations. Il associe Réalisme et Imaginaire symbolique dans l’apparente naïveté de sa peinture. Il se dit peintre réaliste et ne veut peindre que la nature, mais une nature extraordinaire, c’est dans le sage Jardin des Plantes de Paris qu’il découvre la jungle. L’art d’Henri Rousseau est celui du détournement et, en cela, sera reconnu comme leur précurseur par les Dadaïstes et les Surréalistes.

Le XXe siècle

Ces lignes de force et ses contradictions se retrouvent au XXe siècle chez Suzanne Valadon, Picasso, Matisse, Vuillard et Bonnard, comme dernier palier de la représentation du réel, avec toutes ses mises à plat, son extinction du sujet (Jean Clair) ou sa traduction sous les contraintes formelles du tableau et son rendu cubiste, voire son abstraction. Entre ruptures et continuités, toute œuvre est fragmentaire avec ses influences multiples. La peinture au début du XXe siècle préfigure le monde globalisé. Après l’Orient et l’Extrême Orient, l’Art nègre est source d’inspiration particulièrement pour Picasso. Le réel devient matière à interprétation, de contestation, de fantasme, de merveilleux et d’horreur : l’intuition humaine universelle, primitive même, va prévaloir sur une possible réalité objective de la nature.

Du mouvement Dada au Surréalisme et à l’Expressionnisme, par les doigts des peintres, la psyché humaine s’est saisie des traces de perception du réel : elle les interprète et les défigure. Les grands courants artistiques du XXe siècle vont faire voler en éclat les associations du réel et de la nature chère aux artistes du XIXe siècle et remettre en question aussi bien le réalisme comme mode de représentation que la nature comme inspiratrice. DADA, contre ce qui l’a précédé (classicisme, cubisme, futurisme, psychanalyse), va proclamer la critique de l’art comme base subjective et se refuser à signifier quoi que ce soit. Ainsi Francis Picabia avec ses collages et tableaux au Ripolin a travaillé jusqu’au milieu des années 1920 sur l’exploration d’une anti-peinture radicale (série des Monstres, 1923-1925). Proche de Marcel Duchamp et du groupe de Puteaux20, il cherchait à rendre compte de la quatrième dimension de l’âme, celle des impressions modifiées par la mémoire et les états intérieurs de l’artiste. Picabia, mais aussi Max Ernst, Man Ray… autour d’André Breton et de son Manifeste surréaliste en 1924, recentreront l’énergie dadaïste dans le surréalisme. Mais le Paris de la fin des années 1920 est aussi en pleine effervescence d’art abstrait. L’absolu de Mondrian voire l’iconoclasme quasiment mystique, comme celui de Kazimir Malevitch ou de Wassily Kandinsky, annoncent ce que sera l’abstraction lyrique ou géométrique dans laquelle la libération de l’artiste passe par le refus de la figuration. Toute création sera centrée sur ses propres valeurs intrinsèques, autonomes, faites de lignes et couleurs pures. Par ses œuvres, l’artiste avant-gardiste participera à la transformation du quotidien dans un désir de changement social et la recherche d’un environnement nouveau et harmonieux pour l’homme contemporain.

Dans le sillage du Surréalisme pour nombre d’artistes, le réel est rejeté au profit de l’imaginaire, de l’automatisme, de l’onirisme ou du merveilleux. Si elle emprunte parfois au Cubisme ou à Dada, la peinture surréaliste innove toutefois en recourant à de nouveaux matériaux et à des techniques inédites. Refus de tout académisme, le Surréalisme est aussi un mouvement qui privilégie le beau en surréalisant tout lien au réel. Rappelons à ce propos la phrase de Max Ernst prononcé en 1959 : La nudité de la femme est plus sage que l’enseignement du philosophe. C’est ce sentiment de nature vierge, non déjà dévoilé par un quelconque savoir que l’artiste doit retrouver.

Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. Or c’est en vain qu’on chercherait à l’activité surréaliste un autre mobile que l’espoir de détermination de ce point (André Breton).21

À la suite des ruptures stylistiques que représentent le cubisme, le fauvisme et le Surréalisme, Paris est avec Berlin une caisse de résonance des multiples recherches artistiques européennes pour les arts plastiques autour de 1910. Des artistes tels Georges Braque et Pablo Picasso proposent alors une peinture hermétique avec le cubisme synthétique. En réaction, certains peintres comme Robert et Sonia Delaunay ressentent le besoin de réintroduire la vie au centre de l’art. C’est ainsi que la couleur et le mouvement abandonné par le cubisme analytique reviennent au premier plan des préoccupations picturales.

Réalisme et retour à la Tradition.

Dès le milieu des années 1920 avec les multiples et contradictoires avant-gardes, mais aussi leur épuisement, associé à l’apocalypse de la première guerre et les montées des totalitarismes, les artistes se retournent vers la tradition, attitude qualifiée parfois de retour à l’ordre, mais là aussi, les œuvres, comprises comme réalistes ne sont pas si homogènes. L’art, quelque soit ses formes est repensé comme continuum (Jean Clair) et non sujet perpétuel aux ruptures stylistiques. Le classicisme est un héritage culturel à retraduire, il permet aussi aux artistes une expression nostalgique, angoissée d’un monde et d’une civilisation qui disparaît. A cet égard, il est intéressant de noter que la peinture réaliste française n’a jamais (ou peu) abordé le paysage industriel comme le feront les peintres Américains, Charles Demuth, par exemple. Derain avec sa figuration objective et son retour à l’art des Musées en est le plus grand protagoniste. Balthus se sentira dès son arrivée en France très proche de lui. Retenons de cette époque artistique contrastée les œuvres de Fautrier, Maurice de Vlaminck, mais aussi Gruber, Giacometti, Hélion, Courmes, Tal Coat, dont les aventures picturales trouveront leur aboutissement après la Seconde Guerre mondiale. Picabia, avec ses nus des années 1940 qu’il reproduit à partir des modèles des revues légères, comble son désir de tradition. Mais le sujet, avec ces modèles surexposés trouvés dans des revues dites spécialisées, est celui des corps livrés aux regards anonymes qui donnent à voir, sans rien avoir à donner. Au côté de l’érotisme de papier glacé, Picabia redonne de la chair par la pâte colorée et saisit les distorsions et les écarts entre l’image photographique et le réel.

La peinture de la réalité (1919 -1939) s’oppose violemment aux avant-gardes. Derain disait : J’aime la bonne peinture, en opposition radicale avec celle des avant-gardes. Mais aussi : Le cubisme est vraiment une chose idiote qui me révolte de plus en plus (à Maurice Vlaminck dès 1917).22

Le retour à la tradition est aussi un mouvement d’effroi vers l’uniformisation industrielle, l’automatisation de l’humain. Cette réappropriation des modèles classiques que ce soit celui des Primitifs italiens pour Derain et Balthus ou celui de la Renaissance, toujours pour Derain, très éclectique sur ses références, ou pour Giorgio de Chirico, traduit aussi une réaction face à la hantise d’une civilisation perçue en décadence. Mais c’est aussi l’expression d’un malaise dans la civilisation, reprenant ainsi le titre du dernier ouvrage prophétique de Sigmund Freud.

La question du sort de l’espèce humaine me semble se poser ainsi : le progrès de la civilisation saura-t-il, et dans quelle mesure, dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions humaines d’agression et d’autodestruction ? A ce point de vue, l’époque actuelle mérite peut-être une attention toute particulière. Les

hommes d’aujourd’hui ont poussé si loin la maîtrise des forces de la nature qu’avec

leur aide il leur est devenu facile de s’exterminer mutuellement jusqu’au dernier.23

Ce désir de retour à l’ordre mènera certains de ces peintres à des positions politiques réactionnaires : à l’invitation d’Arno Brecker, chantre du classicisme et de l’art Nazi en 1941, Derain, Maurice Vlaminck, Van Dongen feront le voyage à Berlin. La peinture réaliste française de ces années 1919-1939 est emprunte d’une forte mélancolie d’un retour aux sujets classiques : le nu, la nature morte, le portrait, l’atelier, les rues sans présence humaine comme dans les peintures d’Utrillo. Picasso en profite lui pour réinvestir le nu aux formes ingresques et le portrait. Cet art européen et mondial renoue avec l’humanisme. En Italie, il se nomme Valori Platici avec des artistes tels que Carra ou Morandi qui réagissent contre l’iconoclasme des futuristes. En Allemagne, Dix ou Schad se retournent vers les maîtres anciens. Aux Etats-Unis, des artistes comme Edward Hopper, Charles Sheeler, Grand Wood déclinent par leurs œuvres l’infini des paysages ou des villes et affirment un art américain libéré de la prédominance moderniste européenne.

Le Brésil est aussi riche de ce mouvement réaliste avec Candido Portinari, Cicero Dias, Emiliano Di Cavalcanti, Lasar Segall, José Pancetti, Alberto da Veiga Guignard, Ismael Nery, Anita Malfatti, Ibere Camargo. La plupart de ces réalistes brésiliens proches des modernistes recherchaient une identité nationale à travers une approche plus concrète de la réalité brésilienne, sans négliger toutefois le besoin d’universalisme et la création d’avant-garde. Leur Réalisme est parfois magique comme pour Alberto da Veiga Guignard (entre 1915 et 1923, il étudie à l’Académie des Beaux arts de Munich avec Hermann Groeber et Adolf Hengeler). Si les influences européennes sont encore visibles, (non seulement de l’art moderne européen mais aussi classique, ainsi Portinari était un grand admirateur de Piero de la Francesca) le Réalisme est au Brésil comme en Amérique une affirmation d’un art proprement brésilien inscrit dans sa culture et ses paysages. Dans le Réalisme en peinture au Brésil se reconnaissent différentes influences européennes selon les études et les voyages qu’ils feront dans les années 1920 et 1930. Certaines œuvres comme celles de Lasar Segall (originaire de Lituanie qui émigra au Brésil en 1924) sont imprégnées de l’Expressionnisme allemand. Portinari (que l’on pourrait définir comme le Courbet brésilien, tant sa peinture a une puissante sensibilité) a dévoré toutes les influences européennes et développé une œuvre faite de mille éclats et métamorphoses. Ses figures ont à la fois l’assise et le lourd modelé de celles des primitifs italiens et de Picasso, mais dans leurs réalismes, à la fois magiques et poétiques, ses peintures sont la manifestation d’un territoire singulier, le Brésil devenu, par la force de son art, universel.

Des peintres fuyant l’Europe en guerre viendront en résidence au Brésil pendant la seconde guerre, ainsi Vieira da Silva vivra à Rio de Janeiro de 1939 à 1946. Après la compréhension qu’elle a de la mesure de Matisse et du flamboiement coloré de Bonnard dont témoignent ses œuvres d’avant-guerre, ce pays aux richesses multiples et complexes, ce pays de la turbulence des couleurs et des sons, va l’affirmer dans ses audaces. Ces temps de douleur et d’inquiétude d’un monde en guerre la mènent vers la peinture ; elle y réalisera ses déchirants Guernica : Le Désastre ou la Guerre (1942), Le Calvaire (1942), L’incendie I et II (1944), mais aussi Les Amis ou visite (1942) ou La Partie d’Echec (1943).

En France, dès les années 1930, Fernand Léger prône un « Nouveau Réalisme », accordé à la beauté plastique de la civilisation industrielle. Cependant, cet art s’écarte bientôt de ses modèles mécanistes pour fournir l’antidote aux fatigues du monde moderne. Il fait place à d’utopiques visions d’un Eden terrestre, où l’harmonie sociale régit les rapports entre les hommes, désormais réunis avec la nature et leur environnement. Léger veut réconcilier le peuple et l’art moderne. Son œuvre est nourrie de la peinture classique qu’il simplifie et adapte à son style. Si comme pour Marcel Duchamp, l’art s’est réifié dans l’objet de masse, pour Léger la beauté est autant dans les œuvres du passé que dans les productions industrielles. Le beau est partout, dans l’ordre d’une batterie de casseroles sur le mur blanc d’une cuisine, aussi bien que dans un musée.24

Il écrit aussi dans son manifeste, Fonctions de la peinture : Si l’imitation de l’objet dans le domaine de la peinture avait une valeur en soi, tout tableau du premier venu ayant une qualité imitative aurait en plus une valeur picturale. […] J’affirme donc une chose déjà dite, mais qu’il est nécessaire de redire ici : la valeur réaliste d’une œuvre est parfaitement indépendante de toute qualité imitative. […]J’emploie à dessein le mot réaliste dans son sens la plus propre, car la qualité d’une œuvre picturale est en raison directe de sa quantité de réalisme.25

La seconde moitié du XX° siècle

Ces conciliations cherchées par les artistes entre l’histoire de l’art qui les inspire et le monde qui les entoure, que ce soit celui du monde rural et industriel, ne se retrouveront pas dans la seconde moitié du XXe siècle. Après les massacres de masse, le Réalisme en peinture réapparaît sous l’aspect du trivial et du quotidien. A travers les objets de reproduction, la brèche ouverte par le ready made fait entrer le banal, l’objet de série dans l’art. Marcel Duchamp avait conceptualisé l’inconciliable de l’expérience de la peinture et les « étant donnés » du monde et du réel. A l’instar du Pop Art, en France, le Nouveau Réalisme, avec César, Spoerri, Niki de Saint Phalle, Yves Klein, Arman, Martial Raysse… est le Réalisme (voire l’Hyperréalisme) des années 1960 d’une société industrielle et de consommation : celui de la vie urbaine, ménagère, de l’objet de série, des images toutes faites, de la civilisation marchande. Le Nouveau Réalisme doit être compris comme une nouvelle approche perceptive du réel. La reproductibilité, voire le périssable des productions artistiques de ces années-là, contredisent la persistance même de l’œuvre d’art unique et intemporelle, mais aussi de la vie. L’être humain est lui aussi compris comme masse et perd de son individualité. La nature, devient celle du champ industriel, dans son efficacité, dans son banal, qu’il soit celui de la production, de la destruction ou de la communication de masse avec ses codes populaires, politiques, sociologiques ou historiques. Le paysage naturel voire le nu disparaissent sous l’artificiel. Martial Raysse, dans ses tableaux-objet, mêle plusieurs temporalités. Il cite des peintures classiques (Ingres, la tradition du nu allongé), mais sous forme de photographie utilisée comme technique de reproduction moderne et associé à des objets en série (serviette, chapeau…). La lumière sera citée sous forme de néon qui devient pour l’artiste la couleur vivante. Il prône une hygiène de la vision et déclare en 1960 : J’ai voulu un monde neuf, aseptisé, pur et au niveau des techniques utilisées, de plain-pied avec le monde moderne.

Le Nouveau Réalisme, dans cette période d’abstraction généralisée (qu’elle soit géométrique, gestuelle, de l’informe etc.), est une réévaluation dans le champ de l’art des activités humaines. Parallèlement, la Figuration Narrative qui lui est presque contemporaine (Jacques Monory, Gilles Aillaud, Télémaque, Bernard Rancillac, Erro…) doit être comprise comme un retour à la figure humaine et un réinvestissement du réel qu’il soit social ou politique. Ces peintres ont un art synthétique, leurs œuvres associent réalisme photographiques et déréalisation abstraite. Bien que leur art soit aussi gestuel, ils réalisent des peintures en aplat avec l’utilisation du pattern et des couleurs pantone. Sans réelles relations, leur art est en discussion avec l’Hyperréalisme américain, avec Malcolm Morley par exemple, pour qui le sujet est un sous-produit de la surface26 : abstraction du sujet considéré dans son anonymat n’émergeant qu’en objet de reproduction. L’œuvre de Gérard Fromanger est ancrée dans les réalités politiques des années soixante (du marxisme, du maoïsme et des guerres colonialistes) et résonne des multiples dissonances de l’image-mouvement à l’image fixe. Avec une polysémie de signes, les œuvres de tous les artistes de la Figuration Narrative sont une mise en réseau (voire en rhizome) dans l’histoire de la peinture. Leur contemporanéité perdure dans le sens qu’ils interrogent la modernité sous forme de Réalisme critique et parodique à la fois. Pierre Bourdieu voyait dans ces images d’images, la réponse du peintre à la toute puissance de la photographie : Quoi de plus réel et de plus fidèle au réel qu’une photographie ? Quoi de plus rassurant et de plus lisible ? Au point que les photographes désespèrent : à quoi bon quand il pleut, dire il pleut ? Quand tant de photographes s’ingénient à singer la peinture, vient un peintre qui met son génie à singer la photographie. Car il s’agit bien d’une singerie : à quoi bon, quand il pleut et que quelqu’un dit il pleut, dire qu’il pleut et que quelqu’un dit qu’il pleut ? Cette peinture qui fait pléonasme avec une image, dénonce que cette image fait pléonasme avec le monde.27

Ces artistes retrouve l’origine du réalisme de Courbet et son inscription dans la réalité politique de son temps. L’art ne peut s’abstraire du monde, aussi leur art est celui d’un Réalisme politique qu’il soit celui de la parodie de Gilles Aillaud avec ses scènes d’enfermement et de zoo. Ce peintre fut le théoricien d’une peinture militante, il est l’auteur du manifeste qui fixe la nouvelle orientation donnée en 1965 au Salon de la Jeune Peinture.  Il faut en finir, écrit-il, avec ces lois soi-disant fondamentales qui commandent la structure de l’œuvre d’art, et qui ne font en réalité que maintenir depuis des années la peinture dans le domaine rhétorique du langage des formes et des couleurs […]. Tant que ce travail de destruction ne sera pas complètement achevé, il ne sera pas possible d’élaborer l’unique et fondamentale question dont dépend l’avenir, c’est-à-dire la vie même de l’art : dans quelle mesure, si petite qu’elle soit, la peinture participe-t-elle au dévoilement historique de la vérité ? Quel est le pouvoir de l’art aujourd’hui dans le devenir du monde ? 28

La plupart de ces peintres utilisent la peinture acrylique, invention américaine introduite en Europe au milieu des années 1960, qui répond aussi, par son temps de séchage très court, à cette urgence, celle de relater l’actualité. La peinture de Joël Kermarrec fait le constat critique de la nature de l’objet à celle des choses. Dans sa radicalité épistémologique, sa peinture est aussi recherche du point de conciliation de ce que communique et cache une image, et en cela elle est aussi surréaliste. La Portugaise Lourdes Castro est à la marge des peintres du Nouveau Réalisme et de la Figuration Narrative. Dans sa recherche de la dématérialisation, elle emploie la sérigraphie et réalise des projections de silhouettes d‘amis, qui apparaissent en ombres chinoises. A partir de 1966, elle se consacrera aux animations avec les théâtres d’ombre. Sombra projectada de Micheline Presles (1965) est caractéristique des œuvres des années 1960 avec l’aspect spectral de la figure humaine.

L’œuvre singulière d’Eugène Leroy, dans le silence et l’ignorance des musées en France s’est développée des années 1930 à la fin du XXe siècle. Ce sont les artistes Allemands comme Baselitz qui l’ont révélé à un large public. Sa peinture s’est aujourd’hui imposée en Europe comme une des œuvres majeures et évidentes. Elle évoque la muraille de peinture de Balzac du Chef d’oeuvre inconnu avec l’enfouissement du modèle sous la pâte colorée. Dans la lourde matérialité de son œuvre, fidèle à Rembrandt, il a tenté tel un alchimiste de réaliser l’émancipation de la matière afin que sa peinture fasse corps : un corps saisit sous le miroitement des couleurs par l’incidence de la lumière septentrionale, tel Nu debout de la collection Berardo 1958.

La peinture contemporaine.

Ce siècle de Réalisme (1860-1960) est prolongé par un volet sur la peinture contemporaine en France afin d’en éprouver la permanence. Aujourd’hui, les peintres français dans le déferlement des images photographiques, télévisuelles et virtuelles, travaillent l’épuisement du rapport au réel.

Proposer un regard sur la peinture figurative et réaliste contemporaine en France, c’est s’engager dans une histoire d’échange de visible autour d’un medium qui a, particulièrement en France ces trente dernières années, synthétisé tous les a priori, tous les malentendus. En effet, depuis les années 1980, à la différence des pays anglo-saxon, de la Belgique, de l’Espagne et surtout de l’Allemagne, la peinture a posé problème aux institutions artistiques françaises qui dans une vision moderniste étroite ont décidé dans les années 1980 la fin de la peinture, au profit d’autres médiums. La peinture se découvre pourtant par plis dans les photographies, les vidéos, les installations. Ce sont les mêmes préoccupations, liées à la perception de l’image et à son usage, qui déterminent le travail des artistes. Et c’est le médium photographique qui est en art le Réalisme contemporain. Les photographes interrogent les principes de narration, de la vérité ou des vérités contradictoires des images et de leur origine. Ils utilisent aussi parfois la mise en scène ou la fausse distance documentaire des formats panoramiques et des tirages quasi picturaux qui confondent les réalités du photographe de guerre, du reporter et celles du monde de l’art. La peinture a aujourd’hui retrouvé le droit de citer en France, mais là aussi les questions liés à l’appréhension du réel et sa perception distanciée déterminent de nombreux peintres comme Damien Cadio ou Bruno Perramant. Ils sont les protagonistes d’une peinture qui met en doute les images, leur « surréalité » où la matière picturale traduit l’aveuglement devant les images aux origines toujours incertaines. Nina Childress, qui retrouve la figuration en peinture dans le filtre de la photographie ou de la vidéo, utilise le codage des couleurs et l’impression optique. Entre présence et évanescence, ses figures en surimpression, émergent d’un fond décoratif. Cette technique de la surimpression, plus proche des nus de Picabia, se retrouvent chez Hervé Ic.

Céline Berger qui réside en Russie, mais aussi Audrey Nervis et Axel Pahlavi, décrivent avec la précision implacable de leurs peintures l’état du monde. Ida Tursic et Wilfried Mille travaillent ensemble sur de grands formats. L’incandescence des corps exhibés dans leurs tableaux sont des métaphores du secret de la peinture, de son troublant et indécent silence. Dans la série continue de peintures Henri Barande, avec son implacable résolution, réalise une mise à distance du réel où ses objets nous apparaissent comme des vestiges, des reliques. Il peint (ou fait peindre par des assistants) dans leur froide fixité sur la toile sans ordre hiérarchique les « choses » de l’art, de la culture, de l’histoire ou de la sexualité. Cacophonie des peintures sur papier ou des sculptures de Damien Deroubaix où une scène de bondage ou de pornographie se lie à celle d’un slogan de musique rock de « Death Metal » encadrée par les figures de Karl Marx ou la svastika. Son œuvre se lit comme des bouleversements de signes historiques perçus dans leur violente irréalité. Julien Beyneton associe la réalité de quartier de Paris à ceux de New York, sous un style à la fois classique et proche du Street art. Sylvie Fajfrowska dans la fixité et l’intensité chromatique de ses figures peintes a retrouvé le Réalisme de Léger et de Malévitch, tandis que Valérie Favre dans sa peinture allusive et expressionniste, retrouve le secret de l’indélébilité de la peinture, de sa mémoire volontaire ou non, là où la ruine se construit. Ces peintres poursuivent avec une obstinée rigueur les champs ouverts de la peinture figurative et de ses possibles Réalismes, leurs œuvres sont aussi des résistances au spectaculaire.

Ce terme de Réalisme, fil rouge de cette exposition, traduit en fait toutes les tendances, luttes, voire incompréhensions qui ont déterminées et déterminent encore aujourd’hui les différentes formes de figuration et nous permet d’embrasser un siècle de peinture en France avec ses ruptures et continuités.

C’est la question du sujet qui est en jeu, comment s’en approcher au plus près, le perdre, le transfigurer ou au contraire le matérialiser. La nouvelle de Balzac, Le Chef d’oeuvre inconnu, témoigne de ces forces contraires à l’œuvre pour le peintre.

Chaque artiste qu’il soit impressionniste, symboliste, réaliste, néo classique, naturaliste, surréaliste, narratif…, à travers des approches différentes, des gestes singuliers, a un «réalisme » qui lui est propre. La peinture n’a pas de chronologie linéaire dans ce qu’elle montre : elle interprète, dans le présent de sa réalisation, l’intemporel du visible. C’est un fait non objectif, un petit pan de mur jaune (Proust), où à travers l’objet représenté, se cachent les possibles de l’image avec son espace, ses surfaces tactiles et sa lumière, tel Corot avec son chevalet devant l’étang de Ville d’Avray dont il saisit en fait, l’immatérialité.

Chi non ha la forza di uccedere la realtà non ha la forza di crearla. 29

Eric Corne

Paris, Février-Mars, 2009.

1 En 1854 ou 1855, L’Atelier du peintre.

2 (Castagnary, manuscrit inédit) in Courbet raconté par lui -même et par ses amis, éd. Pierre Courthion, Genève, Pierre Cailler, 1950, vol. 2, p. 283. Cité par Jean-Pierre Ferrini dans son livre Bonjour monsieur Courbet, éd. Gallimard, 2007.

3 Esthétique, éd. Flammarion, 1979, Volume 1, p.39.

4 Discours Préliminaire de l’Encyclopédie, D’Alembert, 1751 (éd. Wieleitner, 1911)

5 Hegel, Ibid, p. 34.

6 Champfleury, A Propos de Gustave Courbet, Du Réalisme et autres textes, éd. Rumeur des Ages, 2000, p. 64.

7 Erwin PANOFSKY, Idea. Contribution à l’histoire du concept de l’ancienne théorie de l’art
trad. H. Joly, éd. Gallimard, coll. Tel, pp. 18-21.

8 Cité par T.W Adorno, Théorie esthétique, éd. Klincksiek, 1995, p. 107.

9 Maupassant, extrait de la préface de Pierre et Jean Hatier, 2003, p. 4.

10 Théodore Duret, Histoire des peintres impressionnistes, éd. Floury, 1939, p. 26.

11 Lettre à son frère Theo, éd Gallimard, 1969, p. 67.

12 Lettre de Vincent Van Gogh à Wil, W 22 [4 juin], F753, F541. in Van Gogh.fr

13 Beaucoup de gens ont accusé de barbarie tous les peintres dont le regard est synthétique et abréviateur, par exemple M. Corot, qui s’applique tout d’abord à tracer les lignes principales d’un paysage, son ossature et sa physionomie. Baudelaire, Le peintre de la vie moderne. Cité par Meyer Schapiro, Style art et société, éd, Gallimard, 1982, p. 279.

14 Georges Bataille, Manet, éd. Skira, 1994, p. 55.

15 Ibid, p. 27.

16 Rainer Maria Rilke, Lettre à Elisabeth Traubmann, 8 août 1917, trad. Karine Winkelvoss, ed Pia, p. 69.

17 Extrait du texte d’introduction du catalogue, par Rudolph Koella, commissaire de l’exposition Fantin-Latour, de la réalité au rêve, Musée de l’Ermitage, 2007, Lausanne.

18 Emile Zola, Lettres de Paris, L’Ecole française de peinture à l’Exposition de 1878. www.cahiers-naturalistes.com.

19 Émile BERNARD, Charles Baudelaire critique d’art, suivi de : Le Symbolisme pictural,
Éditions de la Nouvelle Revue Belgique, p. 65.

20 Le groupe de Puteaux (également connu sous l’appellation Section d’or) est le nom donné à un groupe d’artistes européens et de critiques liés à une branche du cubisme connue sous le nom d’Orphisme. Le groupe s’est constitué vers 1911, à l’occasion des réunions régulières en vue d’échanger des opinions chez Jacques Villon à Puteaux, alors un village de la banlieue Ouest de Paris. Le groupe de Puteaux a adopté ce nom afin de se distinguer de la définition plus étroite du Cubisme développée auparavant par Picasso et Braque à Montmartre.

21 Manifeste du Surréalisme, p. 40

22 Cité par Christian Derouet, Les Réalismes en France, rupture ou rature, in Catalogue Les Réalistes, MNAM, 1981, p.198.

23 Sigmund Freud, Malaise dans la Civilisation, éd. PUF, 1989, p. 61.

24 Fernand Léger, Fonctions de la peinture, éd. Denoël Gonthier, 1965, p. 64.

25 Ibid, p.11.

26 Malcolm Morley, cité par Jean-Claude Lebensztejn, Hyperréalisme USA, 1965-1975, éd. Hazan, Les Musés de Strasbourg, 2003, p. 24.

27 Pierre Bourdieu, L’image de l’image, catalogue Bernard Rancillac, L’année 66, Galerie Mommaton, Paris, p.

28 Gilles Aillaud, Bulletin d’information n°1, Salon de la Jeune Peinture, Paris, juin 1965.

29 « Celui qui n’a pas la force de tuer la réalité, n’a pas la force de la créer », Francesco de Sanctis, cité par Samuel Beckett dans Proust, éd. Minuit, 1990, p. 91.